Avertissement préliminaire: L’article que vous allez lire est absolument spontané et n’est pas du publi-commercial déguisé, même si les sceptiques voudront le faire croire. Ceci concerne mon retour sur expérience – 10 mois à utiliser régulièrement l’appareil, que j’ai payé - et n’engage que moi seul. Sachez-le, l’engin dont il est question ici me fait déborder d’enthousiasme. Parenthèse refermée donc.
En ces temps préhistoriques…
Le monde du matos guitare connaît de temps en temps ses petites révolutions. Je pense par exemple que tout le monde sera d’accord avec moi quand j’affirme que l’arrivée, à la fin des années 90, du POD de Line6 en a été une.
Rappelons qu’avant ce temps là, pour avoir la sonorité de tel ou tel type d’ampli, il n’y avait pas d’autre choix que de réellement les acquérir. Et surtout, qu’il était difficile, voire impossible d’enregistrer sa guitare en direct et avec un son potable, sans avoir à utiliser une pièce de studio, un micro et l’ampli et son baffle (ceci à l’exception d’engins comme le sansAmp ou les premiers Palmer, qui coûtaient à l’époque un bras et les deux jambes…).
Alors évidemment, quand le guitariste lambda voulait s’enregistrer (souvent sur un magnéto 4 pistes à cassettes ou un 8 pistes à bandes), soit il arrivait à se repiquer son ampli dans des conditions décentes, soit, comme je l’ai longtemps fait, il passait par la prise casque de son multieffet, essayant de régler un son au mieux pour éviter d’avoir trop les « abeilles » en distorsion…
Le Pod a lui changé tout ça d’un coup, puisque dans un petit haricot rouge, on retrouvait des simulations digitales d’amplis légendaires, accessibles en un tour de rotacteur, et surtout, surtout ! Il était possible de brancher cet engin directement en console et de s’enregistrer avec le son d’une vrai repique micro. Autant vous dire, le haricot magique a fait l’effet d’une bombe.
Alors bien sûr, des années plus tard, beaucoup de musiciens ont trouvé les limites du concept, en terme notamment de naturel du rendu, du fait de se sentir également à l’étroit dans un engin qui impose ses propres modélisations, et ses propres techniques de repique de son. En un mot: le Pod a fini par être la propre victime de son succès, et les musiciens finir par se lasser de ses sonorités, oubliant parfois que la destination première de l’engin était de modéliser des amplis repiqués et retraités en console, d’où un manque évident de dynamisme du son le plus souvent…
Pour ma part, comme à l’époque j’aimais vraiment mon son live, j’essayais dès que possible d’utiliser des modélisations d’amplis les plus transparentes possible,et de ne garder que le baffle pour filtrer les sons venant de mon préampli en rack préféré (le Peavey Rockmaster) lequel passait également dans la section de simu HP d’un Rocktron Multivalve, réglé sur large bande, mais dont je poussait le rendu pour redonner le dynamisme d’un ampli poussé. Autant le dire: c’était un peu compliqué, au niveau sonore ça ne rendait pas si mal, mais évidemment loin d’une vrai prise en studio pro, et je m’étais fait une raison…
Rencontre au dessus du berceau d’une torpille
Jusqu’au jour où, fraîchement recruté par Audiofanzine, il me soit donné l’occasion de me rendre au Salon de la Musique et du Son 2006. Là, j’y rencontre Guillaume Pille, un jeune homme originaire de ma région et ayant enregistré les premiers efforts de Wormfood, à une période où je n’en étais pas encore le guitariste.
Nous sympathisons donc, et de fil en aiguille, Guillaume Pille me parle d’une idée qu’il essaye, avec quelques autres personnes, de mettre en oeuvre. Nom de code: Torpedo.
A ce stade, le Torpedo se présente sous la forme d’un PC racké, tournant sous linux, embarquant un atténuateur de puissance réglable (jusqu’à 100%), et un software à l’allure très « Java Swing » (une API d’affichage d’IHM en Java très connue… oui je sais, si vous n’êtes pas développeur, je suis en train de vous parler hébreu…).
L’idée est d’utiliser une technologie appelée la convolution, que j’avais jusque là pu voir à l’oeuvre dans des reverbs, pour recréer le son d’un baffle repiqué par un type de micro particulier, les deux étant au choix de l’utilisateur, et de pouvoir agir sur l’interaction qui se produit entre les deux. Pour le reste c’est comme d’habitude: on prend sa gratte, sa tête, ses effets favoris, le Torpedo remplaçant physiquement le baffle.
Curieux, je saisis évidemment l’opportunité qui s’offre à moi, et essaye l’affreux prototype, utilisant la PRS du camarade Nonox dans son Fender Twin, le tout dans le Torpedo, monitoré par la sono disponible sur le stand d’Audiofanzine.
Et là… c’est la baffe… J’entends s’élever dans l’air le son du Twin, branché dans un baffle Celestion V30, repiqué par un SM57. Aucun doute possible, j’utilise à l’époque un baffle Marshall 1960V équipé des mêmes HP, et le SM57 est un tel standard qu’on reconnaît immédiatement quand il est placé devant la gamelle. Mais le mieux, c’est que toutes les nuances du Fender sont fidèlement rendues… et toutes les positions de la PRS montrent aussi chacune leur caractère, sans aucune ambiguité. Je m’enquiert de ce que mes oreilles ont reconnu auprès de Guillaume, qui me confirme aussi sec qu’il s’agit bien de la combinaison repérée.
Je m’amuse un peu à cliquer de la souris pour changer les positions du SM57 devant sa virtuelle gamelle, et l’engin répond de fort belle manière, exactement si j’étais en train de déplacer un micro en studio en fait.
Autant vous dire qu’au bout de quelques minutes d’essais, je suis totalement convaincu. Il m’en faudra un ! Et dès que ça sort !
Torpille lancée !
Il me faudra plus de deux ans d’attente pour enfin être exaucé. En décembre 2008, c’est Noël avant l’heure quand Guillaume vient m’apporter à domicile un des premiers Torpedo de série. L’engin a évolué, c’est devenu un rack 2u avec une façade en plexi blanche classieuse, un bel écran LCD bleu pour afficher les contrôles, et bien entendu, quelques boutons sont venus enrichir la façade.
Pas besoin de PC ce coup-ci pour contrôler l’engin, tous les contrôles sont accessibles en façade. A l’arrière de l’appareil, une pléthores d’entrées et de sorties, au format pro sont apparues. Du XLR, des sorties numériques AES/EBU, une entrée pour la synchro de l’horloge numérique, de quoi faire rentrer son ampli par sa sortie HP, un thru qui permet de rebalancer le signal sur un baffle… et une entrée USB, qui a toute son importance sur cet engin.
Et évidemment,c’est au dedans que se retrouve le plus intéressant: là ou le proto n’avait d’un type de baffle et un seul type de micro, le Torpedo de série a lui d’origine 8 baffles pour guitare, 8 baffles pour la basse, et 8 micros disponibles. Plus fort, c’est que le nombre de baffles disponibles peut monter à 32, Two Notes publiant chaque mois, et gratuitement, les mesures d’un nouveau type de baffle. Hé oui, je suis un musicien qui s’offre un baffle par mois, c’est la classe, non ?
Par chance, mon baffle Marshall favori de l’époque (le 1960V) soit directement modélisé dans l’engin, j’ai bien évidemment pu immédiatement travailler, et trouver un son qui soit directement inspiré du grain que j’aimais retrouver sur celui-ci à l’époque. L’interface étant franchement bien faite, ça m’a pris… 10 minutes à tout casser ?
Une fois mon son retrouvé, j’ai pris mon temps pour expérimenter avec le Torpedo, en changeant les baffles, les types de micros, le placement de ceux-ci, et ça a été la deuxième baffe ! Jamais je n’avais pu me rendre compte de manière aussi rapide et probante l’influence de ces 2 composants, et de leur placement l’un par rapport à l’autre sur le son. Car c’est une chose que d’entendre un ingé-son parler de l’influence de tel ou tel micro sur le son, ou comment 1 cm de décalage change celui-ci du tout au tout, mais s’en est une autre que d’entendre immédiatement ces métamorphoses sonores en un tour de potard !
Le Torpedo et le Live
Expérimenter ainsi m’a fait réaliser à quel point, nous autres guitaristes, négligions une partie absolument fondamentale concernant notre son.
Vous le savez aussi bien que moi, on dépense des sommes considérables à s’équiper en super guitares, en super matos d’amplification, mais souvent quand vient la question du baffle, il y en a beaucoup qui démissionnent ou n’ont pas trop idée de la manière dont les HP et la construction du baffle colorent le son. Il faut dire, on a rarement l’occasion, contrairement aux amplis, d’avoir plusieurs types de baffles à disposition, et de marier une tête en particulier à différents types d’entre eux.
Sans compter qu’évidemment, quand on joue un tas de concerts, les baffles c’est quelque chose de lourd, d’encombrant, alors on se retrouve très souvent à mettre cette partie du backline en commun, en priant secrètement que le baffle sur lequel on se retrouve à jouer ne soit pas un truc dégueulasse, et si possible bien entretenu… Je dis ça parce que depuis que Sylvain (Ataraxie) a fait sauter sa tête Laboga sur un baffle miteux, dont l’embase avait un faux contact en décembre dernier en Hollande, nous avons particulièrement tendance à nous méfier, dans Ataraxie…
Avant le Torpedo, c’était principalement cet aspect qui me préoccupait, pour le reste, je faisait une confiance aveugle aux ingé-sons. De toutes façons, on a rarement le temps aux balances de tourner autour d’un baffle avec un micro, et il suffisait que j’en vois un de qualité pour me dire que le son en façade serait forcément bon.
Le Torpedo m’a démontré le contraire ! Non que je mette en doute la capacité des sondiers à faire un bon son, mais sincèrement, que penser du fait d’avoir un micro dont le modèle peut changer à chaque fois, placé en moins de 2 minutes, devant une gamelle parfois inconnue ? (la preuve encore il y a peu à Madrid…) Qu’est ce qui assure que le son que vous entendez sur scène sera de la même qualité que celui que vous aurez réglé au millipoil près en écoutant l’ampli et son baffle à la position où vous vous tenez pour jouer ?
Rien du tout !
Imaginez donc l’impact qu’a le Torpedo sur mon son en live depuis que je le possède. Ou que j’aille, petit club ou grande scène, il suffit que la sono soit calée (en principe elle l’est, c’est même la première chose que fait un ingé-son une fois que sa sono est fonctionnelle), et il me suffit d’utiliser le Torpedo comme une D.I pour qu’en façade et dans les retours, en y passant très peu de temps, l’on retrouve le grain que j’ai moi-même choisi pour mon propre son. Autant vous le dire, ça simplifie largement et accélère considérablement les balances !
le torpedo est en bas, centre-droit de la photo…
Mais là où on peut faire encore plus fort, et je ne m’en prive pas, c’est qu’on peut utiliser des micros totalement impossibles à gérer sur scène. Par exemple, les micros statiques ou les micros à rubans sont quasi inutilisables en livre, du fait de leur très grande sensibilité ou de leur « pattern » de sensibilité. C’est dommage, parce qu’en général, j’ai tendance à préférer leur son à celui des micros dynamiques, qui ont un rendu sensiblement différents, mais eux sont parfaits pour la scène.
Du coup… quand vous m’entendez en live, sachez que j’utilise un micro Neumann U87 pour reprendre mon baffle, ni plus ni moins. Avec toute cette finesse et cette définition qu’on peut associer à ces micros.
Autre effet collatéral: mon énorme baffle 4×12, qui m’apportait certes un très beau grain, mais est modélisé dans mon Torpedo, ne me sert plus à rien. En live, le son me passait souvent « entre les jambes », puisque le baffle était le plus souvent posé par terre. Pas pratique pour s’entendre correctement, à moins de pousser déraisonnablement parfois l’ampli, et sur certaines scène, de créer de méchantes vibrations, dans le bas du spectre, qui étouffent le rendu général et nuisent à la définition du son.
Du coup, plus besoin de garder un engin pareil, pesant 42 kgs tout de même dans mon équipement… Voulant garder tout de même une interaction entre HP et guitare (je fait beaucoup de feedbacks contrôlés), j’ai investi dans un petit Mesa Boogie Thiele d’occase, 200W RMS encaissables, et qu’il me suffit de poser sur un stand dédié pour me monitorer facilement, donc sans créer de vibration néfaste sur scène, puisqu’il est isolé du sol et me permet de jouer à volume raisonnable.
Vu la place et le poids gagné, je peux vous dire… c’est une révolution cet engin !
Le Torpedo et le studio
Evidemment, le Torpedo a également changé la donne dans mon home-studio. Exit le système compliqué que je vous décrivais en début d’article, il suffit comme en concert de brancher le matériel habituel dans celui-ci, de relier la sortie (numérique ou analogique) à votre carte-son, et c’est tout ce qu’il y a à faire.
Grâce à un cable USB, et au soft fourni par Two Notes, on pilote même le Torpedo à la souris. Installer son ampli dans une cabine de prise de son devient alors inutile : il suffit de choisir son baffle, d’un clic de souris lui assigner un micro, de « glisser-déposer » pour déplacer celui-ci dans l’interface graphique, jusqu’à entendre un son intéressant.
Pour ma part, j’ai, depuis que j’ai l’engin, découvert des recettes qui permettent de totalement changer de grain en utilisant pourtant le même ampli, juste en changeant baffle, micro et positionnement de celui-ci, et comment combiner plusieurs de ces son pour en obtenir un plus gros encore. Comme le Torpedo possède une sortie « sans traitement », il est même possible de faire du reamping, à savoir utiliser le son brut d’une prise pour la réinjecter dans le Torpedo et utiliser une autre réglage, comme si l’on jouait sur un autre baffle en direct.
Cela permet aussi de ne garder que le son brut et de décider de la couleur sonore de la guitare ou de la basse qu’en dernier ressort… plutôt pratique !
En tous cas, le problème de prise de son que j’évoquais au début de l’article est maintenant totalement résolu: je peux travailler des prises définitives chez moi, sans avoir à tout déplacer, avec tout mon matos sous la main. Avec un casque sur le crâne, je ne dérange ni les voisins, ni ma dulcinée qui peut dormir sur ses deux oreilles quand une idée me vient à 3 heures du matin et que je dois l’enregistrer absolument tout de suite !
Révolutionnaire, hein ?
Comment ça je me répète ?
Pour être complet sur le Torpedo, il faudrait que je vous parle d’une fonctionnalité que je n’ai pas encore utilisée, mais qui en appelant à se développer va carrément valoir le coup: il est possible de charger ses propres « impulses » (c’est ainsi qu’on appelle une mesure de convolution) dans le Torpedo, de faire ses propres mesures, et de les échanger en ligne.
Comme ça, si d’aventure un gusse à Abbey Road, disons, décide de prendre une convolution d’un baffle de Vox AC15 avec un micro qui aurait enregistré les Beatles et placé comme à l’époque, il peut utiliser l’interface Torpedo Exchange pour le partager avec le monde entier….
Révolutionnaire ? Hein ? Ben oui pardi !
infos complémentaires: site officiel de two notes
vidéo (ou j’apparais) expliquant le fonctionnement du Torpedo
enregistrement à la maison avec le Torpedo
Pour ma part, j’ai opté pour le tout récent VM-202 des mêmes Two Notes…
Une question : tu dis « fini le baffle, direct dans la console + un petit monitoring »…
Fini donc les concerts dans les rades sans sono autre que pour le chant alors ?